Montagne et recherche : rencontre avec Raphaël Lachello et Symon Welfringer

Quels sont les enjeux de la recherche en montagne ?

Quels enjeux de la recherche en montagne en 2023 ? C’est la problématique que j’ai soulevé lors de la soirée de lancement de la saison 2 du Camp de base.

Avec la pandémie de 2020, de nouvelles et nouveaux pratiquants sont arrivé-e-s en montagne. Le changement climatique nous fait reconsidérer nos déplacements pour aller vers les stations. Mais c’est sans compter les voies d’accès, comme pour le Mont-Blanc à l’été 2022, qui sont de plus en plus impraticables et difficiles d’accès. Ces problématiques énoncées ne sont que des exemples parmi des dizaines de problèmes auxquels les habitants des montagnes et ceux de celles qui les traversent, sont confrontés. Mais que peut la recherche pour identifier et solder ces problèmes ? Quelles sont les méthodes et surtout comment les scientifiques font-ils part de leurs conclusions à la société civile mais aussi aux professionnels de la montagne ? 

Pour répondre à ces questions, j’ai invité Symon Welfringer (guide de haute montagne, météorologiste et nivologue) et Raphaël Lachello (enseignant chercheur en histoire de l’art). Retrouvez l’épisode de podcast en cliquant sur ce lien.

*Cet article est la retranscription de notre entretien. N’hésitez pas à regarder le sommaire pour aller lire directement les réponses aux questions qui vous intéressent. 

Sommaire :

[00:01:18.240] – Émilie Wadelle

Bonsoir à toutes et à tous, et merci d’être présent-e-s ce soir au lancement de la saison 2 du Camp de base. J’ai choisi une problématique qui me tenait particulièrement à cœur d’explorer : les enjeux de la recherche en montagne.

[00:01:27.240] – Émilie Wadelle

Avec la pandémie de 2020, de nouvelles et nouveaux pratiquants sont arrivés en montagne. Le changement climatique nous fait reconsidérer nos déplacements pour aller vers les stations. Mais aussi, c’est sans compter les voies d’accès, comme pour le Mont-Blanc à l’été 2022, qui sont de plus en plus impraticables et difficiles d’accès. Bref, ces problématiques énoncées ne sont que des exemples parmi des dizaines de problèmes auxquels les habitants des montagnes et ceux de celles qui les traversent sont confrontés. Mais que peut la recherche pour identifier et solder ces problèmes ? Quelles sont les méthodes et surtout comment les scientifiques font ils part de leurs conclusions à la société civile mais aussi aux professionnels de la montagne ?

Présentation de Symon Welfringer

[00:02:12.060] – Émilie Wadelle

Avec moi ce soir, deux invités pour répondre à cette problématique. Bonjour Simon,et merci beaucoup d’être avec nous. Tu es guide haute montagne, tu es ingénieur météo chez Météo-France et avec Pierrick Fine, vous avez été récompensés au Piolets d’Or 2021 pour avoir effectué la première ascension de la face sud du Sani Pakkush. C’est un sommet qui culmine à 7000 mètres d’altitude, c’était en 2020 et c’était sans oxygène.

[00:02:39.570] – Symon Welfringer

Exactement. Tout juste. Ben oui, ça fait pas mal de casquettes différentes, mais toujours autour de la montagne qui reste un peu ma petite passion au quotidien.

[00:02:51.600] – Émilie Wadelle

Super ! Merci beaucoup d’être avec nous aujourd’hui. Raphaël. Bonsoir.

[00:02:56.400] – Raphaël Lachello

Bonsoir !

Présentation de Raphaël Lachello

[00:02:57.600] – Émilie Wadelle

Tu es enseignant-chercheur doctorant à l’Université Grenoble Alpes. Tu travailles sur l’histoire de l’environnement et plus précisément sur l’évolution des forêts de montagne avec un terrain de recherche en Maurienne. Tu es aussi cofondateur du collectif Perce Neige, qui milite pour une meilleure insertion des jeunes chercheurs, en se voulant une interface entre science et société. De cette entité découle “Chercheur.e.s de montagne” qui est une chaîne Twitch hyper vivante, qui raconte le quotidien de la recherche et de celles et ceux qui la font. Est ce que j’ai bien résumé ?

[00:03:32.340] – Raphaël Lachello

Oui, tu as bien résumé, mais tu commences à connaître.

[00:03:39.510] – Émilie Wadelle

Merci beaucoup d’avoir répondu positivement à cette invitation. Bon, je suis un peu stressée mais je vais me détendre au fur et à mesure, ne vous inquiétez pas. Avant de me poser la question finalement de quelle montagne pour demain, et surtout comment prévoir les changements de pratiques pour adapter le local, vous n’allez pas tous les deux couper à la question auquelx répondent tous mes invité-e-s dans Le camp de base. C’est quoi votre camp de base ? Raphaël tu as été l’invité de la saison 1 du Camp de base, donc tu déjà répondu à cette question. Mais peut être que tu peux compléter, tu m’as dit que ça avait un peu changé.

Quels sont vos Camps de base ?

[00:04:28.110] – Raphaël Lachello

Ben c’est pas que ça a un peu changé, mais effectivement, moi j’ai grandi à Crolles, donc mon Camp de base c’est Chartreuse et Belledonne. Depuis que je travaille je passe pas mal de temps dans le Queyras, en Maurienne etc etc. Et là je me rends compte avec le boulot qu’il y a un peu une frontière dans les Alpes, au col du Lautaret. Il y a le nord et le sud. Ça sent avec l’accent déjà et je me rends compte par “Chercheur.e.s de montagne” en jouant à Géoguesser, je ne sais pas si tu connais…

[00:05:22.770] – Émilie Wadelle

Et oui, c’est un jeu dans lequel on est quelque part, où on ne sait pas où on est.

[00:05:26.660] – Raphaël Lachello

Et il faut retrouver où on est. Moi, si ce n’est pas en montagne en Isère ou Savoie je ne trouve rien. Donc peut être que c’est ça mon Camp de base. Le reste des Alpes et de la France en fait je n’y arrive pas.

[00:06:03.950] – Émilie Wadelle

Et toi Simon, ton Camp de base ?

[00:06:07.100] – Symon Welfringer

C’est vachement plus simple. C’est Bob, mon camion que j’ai acheté à la fin de mes études parce que j’avais vraiment la flemme de louer un appartement et je trouvais ça complètement inutile. Du coup, à la place, j’ai fait un petit crédit pour acheter un camion aménagé dans lequel j’ai vécu un petit moment et que j’ai toujours. Maintenant, j’avoue que j’habite dans un appartement vers Grenoble, mais Bob est toujours là et il m’accompagne un peu partout. Il est allé dans les Lofoten récemment, il est allé en Ecosse, en Corse. Il est toujours là et c’est mon petit Camp de base à moi. Je pense que c’est lui. 

Comment devient-on nivologue et météorologue ?

[00:06:46.270] – Émilie Wadelle

Très bien. Alors Symon, tu es ingénieur en météorologie. C’est quoi ton parcours ?

[00:06:57.670] – Symon Welfringer

Actuellement je suis prévisionniste et nivologue à Météo-France, à Grenoble, sur le campus à Saint-Martin-d’Hères. Et pour en arriver là, j’ai fait une prépa maths-sup, maths-spé. Après j’ai passé les concours des écoles d’ingé. Et puis il y a une école d’ingénieur assez peu connue qui s’appelle l’Ecole Nationale de la Météorologie à Toulouse. Une super école qui permet de devenir ingénieur dans la météo, qui fait aussi des formations de techniciens dans la météo. Et tu as aussi la possibilité d’être sur un cursus fonctionnaire, avec un travail à Météo France mais aussi un cursus privé, après lequel tu peux démarcher des boites qui cherchent des météorologues dans plein de domaines différents.

[00:07:40.360] – Émilie Wadelle

Ça consiste en quoi être nivologue et météorologiste ?

[00:07:45.610] – Symon Welfringer

Ça consiste à rédiger des bulletins, donc des textes qui vont décrire le temps qu’il va faire pour le côté prévision. Quand je bosse à Grenoble, c’est surtout pour le département de l’Isère. Du coup, je vais écrire des bulletins météo qui vont dire “ben demain il va faire tel type de temps, la nuit suivante…” Et ça va jusqu’à moyenne échéance, en gros jusqu’à la semaine suivante. Et nivologue, c’est un peu pareil, mais pour l’étude de la neige. On va prévoir les conditions de neige pour les prochains jours et surtout le risque d’avalanche qui va avoir lieu dans les jours à venir et le fameux BERA, donc le fameux bulletin d’estimation du risque d’avalanche, qui est assez connu de tous les pratiquants de la montagne et dont on est chargé de la rédaction.

[00:08:32.290] – Raphaël Lachello

Du coup, quand on le lit, c’est toi derrière ? 

[00:08:36.280] – Symon Welfringer

Certaines journées, parce que du coup j’ai pas mal d’activités aussi en parallèle, en escalade et en alpin. J’ai aussi pas mal de vacances, mais certaines journées c’est moi qui l’écrit en effet.

[00:08:48.790] – Émilie Wadelle

C’est quoi les outils et les méthodes que tu utilises pour ça ?

[00:08:53.800] – Symon Welfringer

A la météo, les outils principaux qu’on a, c’est des modèles numériques. C’est des grosses équations qui sont censées résoudre la mécanique des fluides de l’atmosphère. Voilà c’est des grands mots pour dire qu’on essaye juste de faire des grosses approximations sur l’évolution des paramètres : température, humidité et vent. On a plein de petites cartes visuellement et on essaye de faire des synthèses de toutes les cartes à notre disposition. On a des modèles très différents qui sont caractériséspar des mailles différentes. Donc tu vas avoir des modèles qu’on appelle “la maille fine” où ton territoire il est divisé en petits carrés d’un kilomètre, un kilomètre et demi. Ça c’est très efficace, mais tu peux pas faire de la prévision à très longue échéance. Tu vas avoir un modèle qui dure jusqu’à 24 h à peu près et ensuite pour faire de la prévision à plus long terme, et bien tu vas utiliser un modèle à mailles un peu plus large qui va jusqu’à dix-quinze kilomètres. Plus tu vas étendre ta maille, plus tu vas avoir des prévisions dans le temps. Plus tu vas affiner ta maille, plus tu vas prendre en compte des micro phénomènes de microphysique, comme des brises de pente ou des choses comme ça. Mais réduire la maille, ce n’est pas forcément le meilleur moyen pour avoir une meilleure prévision météo, ce serait beaucoup trop simple et c’est pas vraiment le cas. Donc, sur certains types de situations météorologiques, on s’aperçoit qu’un modèle à mailles plus grandes peut être plus efficace qu’un modèle à maille plus fine. D’où la complexité de bosser là dedans et d’avoir un humain qui fait des bulletins et pas juste un robot avec des prévisions automatisés comme on peut l’avoir sur plein de sites internet.

[00:11:01.510] – Raphaël Lachello

Moi, il y a un truc qui me flingue là, c’est que du coup, des fois on peut se plaindre de la météo – désolé ça arrive – mais du coup des fois tu peux, Symon, faire un bulletin, tu vas prédire et te dire le lendemain en montagne “putain je me suis planté.”.

[00:11:15.010] – Symon Welfringer

Carrément carrément. Parce qu’en fait du coup tu te bases sur des modèles, donc sur une certaine probabilité. Et moi j’ai le souvenir, la première année que je bossais, c’était à Briançon. Et donc j’avais écrit un bulletin, et la limite finale, j’étais un peu limite quoi. Donc j’avais dit que ça allait poser des centimètres, mais ça restait au dessus de Briançon, tu vois. Et le lendemain je bossais pas, mais j’ai ouvert les fenêtres et il y avait dix centimètres, alors que j’avais dit qu’il n’allait pas neiger à Briançon. Typiquement, cette année le 10 décembre, il a neigé à Grenoble, des quantités qui n’étaient pas forcément prévues. La veille, il n’y a aucun modèle qui prévoyait ce phénomène là. Il y a forcément des extrêmes qui prévoyaient ça, mais nous, on fait une espèce de moyenne de tout ce qu’on voit et on synthétise le tout. Et il y a des situations où il y a des choses qui vont nous faire tilt et on va se dire “là ça va marcher, il va neiger tant” et on fait un peu des petits paris en se disant “ça va fonctionner comme ça” parce qu’on a dans notre historique de mémoire une situation similaire où ça avait marché. Mais il y a un caractère aléatoire derrière tout ça encore très important et encore plus à l’heure actuelle avec le dérèglement climatique en cours qui amène des phénomènes météo qu’on n’avait pas vraiment avant. La vraie différence avec avant, c’est qu’on a de plus en plus de phénomènes extrêmes, par les températures, extrêmes, par le vent violents, extrêmes par plein de paramètres, qui font qu’aujourd’hui tous ces petits modèles, ils sont un peu perdus en fait, et en principe, ils devraient être un peu meilleurs tous les jours parce que chaque jour ils prennent en compte leurs erreurs et ils utilisent ça pour devenir meilleurs. Mais vu la différence de climat qu’on a actuellement par rapport aux années précédentes, lui c’est plus trop se mettre en fait et du coup il est un peu perdu aussi le modèle.

[00:13:06.390] – Émilie Wadelle

Ok, c’est hyper intéressant.

[00:13:08.040] – Symon Welfringer

C’est assez intéressant mais complexe et du coup la météo est pas forcément meilleure aujourd’hui qu’il y a dix ans. Les bulletins sont pas forcément meilleurs justement dû au fait qu’on est dans une phase où on a un dérèglement climatique qui impacte aussi la qualité des prévisions en fait.

Quels sont les outils de l’historiens de l’environnement ?

[00:13:22.810] – Émilie Wadelle

Ok, alors là je viens d’entendre “mécanique des fluides” dans les outils que tu utilises. Raphaël, C’est quoi les outils que tu utilises en sciences humaines et sociales ?

[00:13:32.670] – Raphaël Lachello

C’est pas la mécanique des fluides. Moi les outils peuvent être assez larges. Moi je suis historien donc je me concentre sur les traces qui sont laissées par les sociétés du passé, sachant que le passé commence il y a trois minutes. Donc je pourrais utiliser ton podcast. Du coup, ces traces, elles peuvent prendre plein de formes, que ce soit dans les archives, donc les vieux papiers dont plus personne ne veut, qui nous renseignent sur le fonctionnement de certaines institutions, sur l’évolution d’une forêt, des photos, tout ce qui peut exister. Mais c’est aussi prendre ma truelle de temps en temps, aller faire des petits trous, vérifier s’il y a du charbon ici, du charbon là bas et puis j’utilise aussi, comme je travaille pas mal en interdisciplinarité avec tous ces problèmes, ils sont un peu complexes et que du coup on ne peut pas avoir une seule approche, je travaille aussi avec des climatologues ou des écologues, et je récupère un peu de leurs données. Et en faisant tout ce mix là, ça nous permet de restituer l’évolution des forêts, mais pas juste comme un élément “naturel” comme un écosystème, mais surtout comme un espace d’interactions entre la société et les êtres humains. Donc en gros, quelle société donne quelle forêt ? Et vice versa quoi. Et tout en prenant en compte aussi les variables climatiques.

[00:15:01.420] – Émilie Wadelle

Et est-ce que tu peux nous donner un exemple de l’évolution de la forêt sur les 150 dernières années en Maurienne ?

[00:15:12.510] – Raphaël Lachello

Ce que je vais dire, c’est à peu près vrai aussi les Alpes, même celles que je connais moins dans le Sud. Mais si on prend les 150 dernières années, on est sur une tendance à l’augmentation de la surface mais surtout à la densification des forêts. Elle est due à deux choses cette densification : principalement au fait qu’on exploite de moins en moins de bois, donc les forêts étant moins exploitées, elles se densifient. Il y a de plus en plus d’arbres au mètre carré. Et puis c’est aussi du au fait qu’il y a des espaces qu’on abandonne, et notamment des espaces de pâturages qui se transforment en forêts et qui créent actuellement, des espaces forestiers assez fermés. Donc la forêt grossit et se ferme un peu. “Fermé” c’est un peu négatif, mais parce que c’est vu d’une perspective humaine, d’une perspective écosystémique, ça pose pas de problème. Il y a 150 ans, il y avait moins de forêts. Et chaque année on gagne un petit peu dans les Alpes. Mais c’est vrai sur l’ensemble du territoire français.

[00:16:19.800] – Émilie Wadelle

Et est ce que c’est dû par exemple au fait qu’il y ait moins d’agriculteurs pour justement ouvrir ces forêts ou entretenir les paysages ?

[00:16:30.900] – Raphaël Lachello

C’est une partie de l’explication. Ça dépend des endroits : les endroits où tu vas avoir des AOC ou AOP assez dynamiques, par exemple partout où tu as de l’AOC beaufort, la fermeture elle s’est faite, mais depuis les années 70-80, ça bouge plus trop. C’est à dire qu’on a les forêts qui se densifie. Il y avait un présupposé de base avant que j’arrive dans la recherche, il y a quinze ans, c’était qu’avec le changement climatique et donc l’augmentation des températures, on va avoir la ligne de front, donc la limite supérieure de la forêt monter. En fait, dans les Alpes du Nord, il y a plein d’endroits où on la voit pas du tout monter parce que l’activité pastorale est toujours très forte, donc on fait l’effort de laisser les prairies ouvertes. Si on va dans les Alpes du Sud, à certains endroits où l’activité est moins forte parce qu’il n’y a pas d’AOC et d’AOP, et bien effectivement là on a une montée, on a ce qu’on appelle un verdissement et une montée des forêts quoi.

[00:17:23.290] – Émilie Wadelle

Ok, je comprends. Alors aujourd’hui, on va parler des risques et de la prévision des risques en montagne. Pour introduire cette problématique, je vous propose d’écouter Christian Vincent que j’ai pu interviewer en 2020 dans le podcast Echos de Science Grenoble que je réalise pour la Casemate.

[00:17:39.420] – Christian Vincent

Donc dans la nuit du 11 au 12 juillet 1892, il y a une inondation qui a ravagé les thermes de Saint Gervais dans le massif du Mont Blanc. Les ingénieurs des Eaux et Forêts à l’époque ont rapidement identifié la cause de cette inondation. Donc la cause de ces inondations, c’était des poches d’eau contenues dans le glacier de Tête Rousse. Ces poches d’eau ont éclaté et ont provoqué une vidange brutale et c’est ce qui a créé cette gigantesque inondation avec 175 morts aux thermes de Saint Gervais. Alors effectivement, en 2010 donc, on a alerté d’abord les services de l’Etat, notamment la préfecture, et puis on a alerté le maire de Saint-Gervais pour lui dire qu’on avait une menace liée à cette poche d’eau que l’on avait découvert puisqu’il y avait un risque de vidange brutale. Et c’était important parce qu’il y avait 3000 personnes à Saint-Gervais qui étaient potentiellement menacées par cette poche d’eau. On a recommandé de faire des forages, de faire des pompages pour limiter cette menace qui a été fait très rapidement au cours de l’été 2010. Et puis ensuite on a cherché à comprendre. On sait aujourd’hui, puisqu’on a fait beaucoup de mesures et d’analyses sur ce glacier et cette poche d’eau, et on a compris pourquoi cette poche d’eau était apparue ici. En fait, l’apparition de cette poche d’eau dans le glacier de Tête Rousse est liée au régime thermique du glacier, au régime des températures internes du glacier. C’est à dire qu’on a sur ce glacier qui est tout petit, on a une partie haute qui est de la glace tempérée, c’est à dire à zéro degrés et une partie en bas du glacier qui est à température négative. Ce qui fait que lorsque l’eau de fonte se produit à la surface du glacier, cette eau de fonte, elle va s’infiltrer dans le glacier dans la partie haute puisque la glace est tempérée, donc elle laisse passer l’eau. Une fois que cette eau va atteindre le lit rocheux, elle va circuler sur le lit rocheux et lorsque l’eau va atteindre la partie froide du glacier qui est étanche à l’eau, et bien cette eau, elle va être piégée. D’où la rétention d’eau dans ce glacier, la formation d’une poche d’eau à l’intérieur de ce glacier.

Est-ce que de nouveaux risques apparaissent avec le changement climatique ?

[00:19:52.080] – Émilie Wadelle

C’était Christian Vincent, chercheur glaciologue à l’Institut des géosciences de l’environnement à Grenoble, qui parlait de la menace des poches d’eau sous le glacier de Têtes Rousse. Alors Symon, quand on pense aux risques en montagne, on pense aux risques météorologiques. Mais est ce qu’il y a de nouveaux risques qui apparaissent avec le changement climatique ?

[00:20:15.210] – Symon Welfringer

Cette année 2022, elle est quand même assez caractéristique sur les phénomènes météo dans la mesure où, un peu comme je te le disais avant, c’est un dérèglement climatique qui est en cours dans la mesure où on a de plus en plus de phénomènes violents. L’épisode du 10 décembre qu’il y a eu à Grenoble, c’est quelque chose d’assez marquant dans la mesure où on a eu 10 centimètres à Grenoble et c’est un truc qu’on avait pas vu depuis un paquet de temps, surtout dans un hiver qui est hyper doux en fait. C’est que en ayant cet épisode là, on s’est tous dit “ça y est, l’hiver est lancé, il va faire froid, ça va être un hiver de fou”. Et en fait, derrière, on a une extrême douceur qui s’est installée et ça c’est vraiment à l’image du climat actuel. C’est vraiment des pics de phénomènes météo comme ça qui apparaissent. Et pareil, dix jours après, on a eu une pluviométrie de dingue en Haute-Savoie et il est tombé 100 mm d’eau à Chamonix en 24 h. Et c’est vraiment des évènements comme ça qui sont extrêmes et du coup qui amènent des nouveaux risques qu’on connaissait pas forcément avant, comme la neige à Grenoble, on s’y attendait pas et du coup tout le monde est mal préparé et des éboulements et compagnie avec la pluviométrie sur la Haute-Savoie. Et toute cette année 2022, elle est un peu à cette image avec des records de vents en Corse qu’on avait jamais eu : il y a eu des rafales à plus de 150 kilomètres heure à pas mal d’endroits. C’est des choses qui n’avaient jamais lieu en fait. Et c’est pas forcément des records uniques mais ce qui marque vraiment, c’est la régularité de ces phénomènes marquants. Et du coup, typiquement, sur les températures, c’est la chose qui parle le plus au grand public, c’est que l’année 2022, c’est certes l’année la plus chaude depuis qu’il y a des relevés météorologiques, mais quand on regarde les graphiques, ce qui marque, c’est l’enchainement de pics hyper nombreux, de pics de chaleur. On n’a pas forcément des records sur un mois ou sur une journée, mais on a vraiment une fréquence de températures très douces qui est importante. À chaque fois on regarde des valeurs records et c’est ça qui parle aux gens. Et ces records, ils ne sont pas forcément atteints parce qu’on les a atteint dans le passé sur des phénomènes hyper spécifiques. Mais en fait, sans aller jusqu’aux records, on est dans des valeurs extrêmes quand même en fait. Et ces valeurs extrêmes, on les a tous les mois. Donc on ne bat pas des records, mais tous les mois, on a des phénomènes extrêmes en fait.

Que nous disent les archives sur le climat ?

[00:22:39.120] – Émilie Wadelle

Raphaël dans les archives, est ce qu’il y a des écrits, des mémoires de dates où on écrit “là il y a beaucoup de neige ou il y a rien du tout” : est-ce qu’il y a ça sur le temps long ?

[00:22:53.470] – Raphaël Lachello

Bien sûr qu’il y a ça sur sur le temps long, mais la question c’est ce que tu disais en fait, c’est plutôt l’intensité des événements extrêmes. L’extrême c’est une perspective, c’est à dire que c’est un événement qui va être plus important qu’un autre. Donc effectivement, tu as par exemple l’année 1970 en terme de neige, c’est une catastrophe et des années comme ça, tu en as plein, avec des événements d’une semaine qui vont amener soit beaucoup de neige, beaucoup d’eau… Voilà un extrême. Mais on retrouve pas, en tout cas dans l’histoire récente, donc ces dernières 250 ans, autant d’événements importants comme ça, sur des périodes de temps aussi proche, en fait. Et c’est ça peut être la différence, sachant qu’il y a là dedans aussi quelque chose à laquelle il faut faire un peu attention, c’est que maintenant on a une vraie acuité sur ce genre de choses. On a les relevés météo, mais pour avant les relevés météo, ça ne veut pas forcément dire qu’il n’existait pas forcément certains événements On portait moins attention sur ces phénomènes météorologiques avant. Symon, je pense qu’on doit te le demander en temps météorologue, parce que moi, en tant qu’historien, on me le demande tout le temps “c’est normal ?!” dès qu’il y a un truc.

[00:24:07.770] – Symon Welfringer

Au niveau de l’historique, typiquement au col de Porte, il y a une station d’enregistrement météo qui est présente depuis hyper longtemps et des années où il n’y a pas de neige au 10 janvier, ça existe. En fait, il y en a déjà eu des relevés de neige qui sont à 0 cm au 10 janvier, mais en fait la neige elle est arrivée plus tard et il y a eu des quantités de neige assez dingue. Et là, typiquement sur cet hiver là, on peut déjà dire que jusqu’à mi février, à priori, les températures vont rester assez douces. Il n’y a pas de vrai pic de froid qui va arriver ou quoi que ce soit, et c’est un peu ça le truc marquant. Donc c’est encore une fois cette idée de record, on l’a déjà vécu auparavant, mais là c’est l’hiver en plus de cet été, en plus de l’hiver d’avant. Et du coup c’est vraiment l’accumulation des choses qui fait que tout change.

Est-ce que le changement climatique vous demande en tant que sportifs à changer vos pratiques ?

[00:25:03.690] – Émilie Wadelle

Et alors justement, toi tu as été formé à l’ENSA, l’Ecole Nationale de Ski d’Alpinisme, dans le cadre de ton diplôme de guide. Est ce que les choses qu’on vous explique, qu’on vous apprend à l’ENSA, elles vous servent forcément, mais est ce qu’il y a des méthodes qu’il faut justement réapprendre par rapport à ce changement climatique ? Est ce que tu prépares une sortie de ski d’Alpi de la même manière qu’on te l’a apprise ou est ce qu’il faut changer de méthode par rapport au changement climatique ?

[00:25:36.000] – Symon Welfringer

Il n’y a pas forcément de méthode différente. Tu vois au final le métier de guide il se pratique de la même manière maintenant qu’auparavant. Après, ce qui a un peu changé, c’est pas mal l’ouverture d’esprit des aspirants guides qui vont avoir vachement plus tendance à avoir une deuxième profession ou des choses comme ça. Parce que aujourd’hui, que faire guide, ça paraît assez complexe, tu vois. Les guides, typiquement cet hiver, que ce soit en ski ou en cascade de glace, ils ont du mal à bosser tout simplement. Il n’y a pas de boulot, pas parce qu’il n’y a pas de demande, parce que la demande est croissante. Et elle est assez dingue d’ailleurs. Les gens, ils s’intéressent de plus en plus à la montagne, mais le support, le support neige, le support glace, ben il n’est pas là en fait. Et du coup il y a juste pas possibilité de travailler. Les clients sont de plus en plus nombreux mais on a pas possibilité de répondre à cette demande là. Et du coup au niveau des méthodes de travail, il y a pas forcément de chose différente. On essaye de comprendre typiquement tout ce qui est lié au permafrost, à l’évolution du permafrost. C’est quelque chose qu’on essaye de comprendre dans notre formation de guide on a des cours par rapport à ça pour essayer de prévoir des gros éboulements. Typiquement dans la Combe maudite, au niveau du Grand capucin, le Trident du Tacul qui s’est effondré,… il y a quand même des choses qui vont dans ce sens là, mais il n’y a pas de changement de méthode. C’est juste  une ouverture d’esprit un peu plus grande qu’on nous apprend à avoir.

[00:27:15.540] – Raphaël Lachello

Du coup, alors je te pose la question est ce qu’il y a des guides qui réfléchissent et j’en parlais justement avec un ami guide il y a pas longtemps, mais est ce qu’il y a du coup un changement de choix de produit, qui tend à rajouter l’incertitude dans le produit que vous vendez ? Parce que c’est vrai que c’est des fois difficile de vendre certaines courses là actuellement.

[00:27:34.990] – Symon Welfringer

Oui, il y a une évolution typiquement là tu vois, à partir d’après demain, t’as l’Ice Climbing Ecrins, qui le plus gros événement de cascades de glaces de France, voire même d’Europe, et il y a en tout et pour tout sur les Hautes Alpes, tu as peut être deux cascades en conditions, tu vois ? Et la réponse à ça, bah ça a été en fait de construire des structures artificielles. Et c’est vrai qu’à l’heure actuelle, tu peux quand même offrir aux gens la possibilité de grimper sur de la glace dans une vallée qui est très froide, mais sur une structure artificielle. Et c’est un peu triste à dire, mais la réponse c’est un peu ça quoi. C’est que tu vas avoir une cascade qui est en conditions moyennes et artificiellement, tu vas mettre un robinet d’eau en haut et vas faire de la glace. C’est que ce que tu peux offrir à la clientèle, c’est des cascades artificielles comme on le fait au ski en fait. Il y a des images quand même de ces dernières semaines où t’as le bandeau de la piste blanc alors que 1000 mètres au dessus, il y a encore de l’herbe à côté quoi. Les gens, ils font un pas hors de la piste, ils sont dans l’herbe et sinon ils sont sur de la neige.

[00:28:53.610] – Raphaël Lachello

Mais peut être, peut être que justement dans les extraits que tu vas passer après on en parle, mais nous en SHS, et sur des études interdisciplinaires et notamment avec Météo-France, on a montré que faire du ski dans la plupart des stations françaises, ça va être possible jusqu’à encore très longtemps avec l’apport de neige artificielle et le damage, les techniques de snow farming,… Mais la question en fait, c’est pas ça, c’est est ce qu’on veut ce qui dans ces conditions, est ce que skier sur une bande blanche au milieu d’une prairie verte, est ce que ça, ça va vevend du rê ? Parce qu’actuellement les pubs pour les stations de ski, c’est pas ça qu’elles vendent. 

[00:29:38.550] – Émilie Wadelle

Et ben justement, tu me tends le bâton pour envoyer le dernier extrait de cette émission, Céline Lutoff et Stéphane Labranche qui parlent des adaptations des stations de ski dans leurs recherches.

[00:29:54.180] – Celine Lutoff / Stéphane Labranche

Sur le changement climatique. On travaille dessus l’un et l’autre depuis pas mal de temps déjà. 20 ans, 20 ans ? Oui, je pense, puisqu’on avait réalisé un colloque en 2007 sur la thématique du changement climatique. Déjà à l’époque, c’était une des premières conférences, un des premiers colloques scientifiques sur les questions de société, sociologie, sciences sociales et adaptation de changement climatique. Quand même. Donc il y avait pas que de l’adaptation, il y avait de l’atténuation, mais c’est un des premiers en France. Oui pourquoi sur l’adaptation aux changements climatiques, parce que là aussi parce que c’est une thématique qui est restée pas mal en retrait à partir du moment où socialement on s’est dit “il faut faire quelque chose par rapport aux changements climatiques”, on a beaucoup mis l’accent sur l’atténuation et l’adaptation et un peu restée en arrière. Sauf que maintenant que les impacts du changement climatique sur les territoires commencent à se faire sentir vraiment, l’adaptation elle est de toute façon indispensable quelque soit ce qu’on fait au niveau de l’atténuation, étant donné toutes les forces en présence, l’inertie et cetera. Dans tous les cas, faudra s’adapter. En fait, l’atténuation, ce sont tous les efforts qui visent à diminuer les émissions de gaz à effet de serre. Et l’adaptation, ce sont les efforts qu’on va avoir à faire pour continuer à exister dans une société qui n’est pas trop catastrophisée par les changements climatiques. Et c’est la raison pour laquelle moi je suis venu non pas au changement climatique, mais à la question de l’adaptation au changement climatique, c’est que l’adaptation au changement climatique pose des questions fondamentales sur notre capacité à changer, face à des impacts qui commencent à être ressentis mais qui vont être carrément pires dans 20 ans. Et donc comment on commence à se préparer maintenant pour des impacts qui sont prévus par la science mais dont certains sont encore incertains, notamment au niveau territorial. Et donc comment on fait pour politiquement, économiquement, organisationnellement s’adapter à quelque chose qui n’est pas encore arrivé.

[00:32:05.310] – Émilie Wadelle

S’adapter dans les stations de montagne : Raphaël tu posais une question super intéressante à Simon pendant l’extrait.

[00:32:18.110] – Raphaël Lachello

Symon Welfringer : Est ce que tu arrives à bosser en tant que guide actuellement ?

[00:32:23.600] – Symon Welfringer

Moi personnellement je travaille pas énormément en guide, je bosse à la météo et après c’est plus pour mon activité personnelle et amateur que je fais de la montagne. Mais  que ce soit durant cet été ou durant cet hiver,  il y a plein de moments où j’ai du temps, j’ai de la motivation, j’ai l’envie d’aller en montagne, mais en face de moi, j’ai un paysage, une ambiance qui fait que j’ai pas forcément envie d’y aller. Les choses sont pas en conditions, forcément, tu peux toujours aller voir, tu peux toujours aller au pied de la montagne, mais ça donne pas envie. Et la montagne surtout cet été, elle dégageait quelque chose de pas attirant du tout. On avait des éboulements rocheux, une montagne hyper sèche et nous en tant que alpinistes, moi je suis encore assez jeune mais j’ai eu la chance de connaître des hivers avec des conditions de glace vraiment cool. Ce que je vois actuellement, ça me rend quand même un peu triste parce qu’on a envie de faire des belles choses. Il y a plein de choses à faire en montagne, mais en face on a quelque chose de complexe et de pas en condition. 

[00:33:44.990] – Raphaël Lachello

Je suis allé grimper samedi. On est arrivé au petit désert avec ma sœur et j’ai eu la sensation que t’as quand tu retournes grimper au printemps, mais c’était pas le printemps. Mais du coup c’était cognitivement. C’était un peu un peu bizarre, un peu chelou.

[00:34:00.110] – Symon Welfringer

Moi c’est ce que je me dis, c’est que j’ai la chance d’avoir plusieurs passions. J’adore faire de l’alpi, mais j’adore grimper aussi et du coup je vais grimper, ça me dérange pas tu vois. Mais typiquement là j’étais dans le Vercors, en face de moi, j’avais une casquette qui s’appelle les Moulins Marquis qui est quelque chose qui se gravissait en piolets crampons en hiver. Et là, c’est même pas imaginable qu’il y ait un gramme de glace là. Au fond, ça peut poser des questions. Après ça évolue, c’est l’évolution, on s’adapte.

Symon Welfringer : Est-ce que tu communiques différemment depuis que tu es lauréat du Piolet d’or ?

[00:34:34.850] – Émilie Wadelle

La question de la recherche, c’est aussi la question de la médiation finalement auprès des publics. Et là c’est ce qu’on est en train de faire en fait en parlant de climato, en parlant de nouvelles pratiques, en parlant de méthodes de recherche. Symon toi t’as été récompensé aux Piolets d’Or en 2021 avec cette performance, mais finalement, est ce que ça a changé quelque chose pour toi, de la manière dont tu vas raconter ce que tu fais en montagne, la manière dont tu vas te poser la question d’aller en montagne.

[00:35:05.510] – Symon Welfringer

Pas du tout. C’était très agréable de recevoir cette récompense parce que en alpinisme, il y a peu de reconnaissance par rapport à une ascension. On est très heureux personnellement d’avoir gravi une montagne et d’avoir ouvert une nouvelle voie. Mais dans la mesure où il n’y a pas vraiment, ce n’est pas un sport de compétition, c’est un sport où chacun fait ses trucs dans son coin. On peut communiquer, surtout aujourd’hui avec l’aide des réseaux sociaux, mais ça ne va pas plus loin. Il n’y a pas de récompense ou quoi que ce soit et du coup, d’avoir ce Piolet d’or, c’est un peu une petite tape sur l’épaule pour nous dire “ah bah c’est cool ce que vous faites les gars, continuez comme ça”. Moi j’ai plus vu ça comme ça,  j’ai pas vraiment vu ça comme une fin en soi, mais plus comme un élan pour la suite en fait. Et voir vers le futur ce qui est possible de faire dans cette même état d’esprit en fait.

[00:35:58.610] – Émilie Wadelle

Symon Welfringer : Est-ce que ça t’a ouvert des opportunités ?

[00:36:02.480] – Symon Welfringer

Je dirais que ça m’a ouvert des opportunités dans le sens où ça rend peut être un peu plus connu, mais encore dans un microcosme de l’alpinisme et ça rend peut être un peu plus crédible alors que y a aucune raison de devenir plus crédible via une seule ascension. Mais c’est vrai que, de recevoir un Piolet d’or, sachant qu’il y a très peu de français alpinistes qui ont reçu cette récompense, dans le microcosme français de la montagne, ça rend crédible on va dire. On devient un peu un vrai alpiniste quoi. 

[00:36:46.670] – Émilie Wadelle

C’est hyper intéressant et surtout qu’en vrai, être un vrai alpiniste, c’est être un vieux alpiniste, c’est être un vieux alpiniste vivant. C’est Jérémy Prévost qui m’avait dit ça au micro du Camp de base, finalement, il y a que ça qui prime. Est ce que c’est vieux ? Est ce que t’es arrivé à pas te faire prendre dans une avalanche et à pas sauter une barre ?

[00:37:07.250] – Symon Welfringer

C’est ça. C’est faire parler l’expérience, avoir la chance de vivre plein de projets. Après, vivants ou morts. Enfin je veux dire, les aléas sont tellement nombreux en montagne qu’il y a énormément d’alpinistes d’exception qui étaient très prudents, qui ne sont plus de ce monde. Et ce n’est pas pour ça que c’était des mauvais alpinistes en fait. J’aime bien ce raisonnement, être un bon alpiniste, c’est un alpiniste vieux, mais ça va quand même beaucoup plus loin que ça. Et il y a plein d’alpinistes d’exception qui ont juste pas eu de chance à un moment et qui ne sont plus là et qui étaient bien plus incroyables que certaines personnes qui sont encore vivants et qui ont juste énormément, énormément de chance en fait. Mais pour revenir sur ce Piolet d’or, c’est sûr que c’était hyper agréable de recevoir cette récompense, mais ce n’était pas du tout une fin en soi et j’avoue que ça n’a rien changé en ma motivation. Ça m’a juste dit que ce qu’on faisait c’était cool.

Raphaël Lachello : C’est quoi Chercheur-e-s de montagne ? Pourquoi être sur Twitch quand on est enseignant-chercheur ?

[00:38:05.790] – Émilie Wadelle

Raphaël  tu es cofondateur de “Chercheur-e-s de montagne”. C’est quoi chercheur de montagne ?

[00:38:12.300] – Raphaël Lachello

Chercheur-e-s de montagne, c’est une chaîne Twitch. C’est une plateforme de streaming vidéo. C’est YouTube mais que du live et des outils d’interaction avec l’audience qui sont beaucoup plus développées.

[00:38:34.980] – Émilie Wadelle

Tu peux envoyer des têtes de chercheurs comme ça qui virevoltent.

[00:38:37.830] – Raphaël Lachello

Tu peux faire plein de dingueries, c’est sympa. Et du coup on a créé une chaîne de vulgarisation scientifique, mais le but c’est de reprendre les codes de la chaîne pour vraiment montrer un peu c’est quoi le quotidien de la recherche. Parce que c’est un peu l’enjeu qu’on a nous, parce que quand on est chercheur, on nous voit un peu comme un savant fou, mais …

[00:39:00.720] – Émilie Wadelle

Quelqu’un de loin, en tout cas de la société civile. Quelqu’un d’un peu inatteignable finalement dans son labo, peut être même avec une blouse blanche.

[00:39:09.420] – Raphaël Lachello

Ben moi j’ai pas de blouse donc ça va, je ressemble pas trop, je suis souvent sur le terrain donc je ressemble pas trop. Par contre on me pose des questions, comme si je travaillais dans l’ensemble des disciplines existantes sur l’ensemble des sujets. Je sais pas si tu vois le film “Don’t look up” qui est super dans son message, mais le portrait qui est fait des chercheurs, c’est des personnes isolées quoi. Alors que la recherche elle est basée sur le principe du fonctionnement par les pairs et c’est très très collectif. Et donc nous, ce qu’on fait, c’est que, au quotidien, on essaie de montrer c’est quoi concrètement, faire de la recherche. Donc moi je montre concrètement mes travaux en train de se faire, etc. Tout ça avec mes camarades dont certains sont là. Et l’idée c’est d’avoir un message à destination des moins de 30, moins de 25 ans, parce qu’on trouve que c’est un public qui n’est pas forcément bien cadré par les médias actuels en terme de vulgarisation. Et puis c’est partie du fait que je me suis rendu compte que m’inspirer de Twitch pour faire mes cours en visio quand on était confiné là, et bien ça m’a permis de faire les meilleurs cours de ma vie. Donc après, il y a un de mes étudiants, là, Théophile, qui est là, qui m’a dit “Monsieur, c’est quand qu’on vous voit sur Twitch ?” 

[00:40:28.020] – Raphaël Lachello

C’est parti d’une blague, comme le camp de base, finalement.

[00:40:30.750] – Raphaël Lachello

C’est ça, c’est ça. Et maintenant c’est un beau projet qui est supporté par l’université. Par le Labex ITEM, mais aussi par la direction vie étudiante et par différentes institutions de l’université qui nous permet de pouvoir faire deux, trois, quatre streams par semaine et bientôt on va pouvoir s’équiper d’un dispositif pour faire des lives comme on dit IRL, dans la vraie vie. Incroyable non ? Mais avoir un truc mobile et justement aller directement sur sur le terrain, montrer ce qu’on fait sur le terrain, en recherche et pouvoir répondre. On l’a fait un peu déjà dans une conférence internationale, j’ai pris la caméra, je suis allé à l’International Mountain Conference, t’as des chercheurs qui bossent sur tout ce que tu peux imaginer en montagne. Et le tchat pouvait dire “ben vas y, trouve moi une palinologue ou un truc comme ça et puis on lui pose des questions”. Et donc on va essayer de faire ça, et j’aimerais bien faire un truc aussi sur les mobilités, parce que c’est un peu l’enjeu,et de le faire en live sur Chercheur-e-s de montagne. Les étudiants, ça leur plaît, mais c’est le public qu’on vise, donc tant mieux. Et l’équipe de Chercheur-e-s de montagne, elle est majoritairement composée d’anciens étudiants. Je ne suis pas particulièrement vieux. Mais grâce à ça, je me sens vieux au quotidien et c’est quand même agréable.

[00:42:37.430] – Émilie Wadelle

Symon, est ce que tu veux dire un mot pour la fin de cette émission ?

[00:42:42.020] – Symon Welfringer

Houla, ça c’est beaucoup de pression.

[00:42:44.320] – Raphaël Lachello

Ça s’appelle un traquenard.

[00:42:47.430] – Symon Welfringer

Non, je dirai qu’on est dans une période complexe en terme de météorologie, qu’il y a pas mal de changements en cours mais que moi perso qui fait beaucoup de montagne et d’escalade pour moi, et bien j’ai encore énormément d’espoir parce qu’on peut s’adapter, on trouve des nouvelles manières d’aller en montagne, des nouvelles activités à faire et certes ça peut faire des fois un peu peur de voir l’évolution du climat actuel, mais moi je suis encore hyper enthousiaste de voir la nature qu’on a autour de nous et surtout les différentes inventions qu’on peut avoir encore aujourd’hui, la curiosité qu’on a. Du coup, ce serait plus un message de grande motivation pour le futur.

[00:43:36.185] – Émilie Wadelle

Raphaël ?

[00:43:38.030] – Raphaël Lachello

Je ne peux pas dire mieux. Complexité. Ces problèmes ils sont complexes. La recherche fait face à des problématiques complexes, on est d’accord. Par contre, un enthousiasme, positivisme. Il y a des problèmes qui sont graves, il ne faut pas les nier. Mais par contre on peut mettre une véritable énergie dans les solutions à trouver et je trouve qu’il y a plein de choses à inventer et c’est génial.

[00:44:06.440] – Émilie Wadelle

Un joli mot pour conclure cette émission.

[00:44:11.060] – Celine Lutoff / Stéphane Labranche

Oui.

[00:44:28.530] – Émilie Wadelle

Le camp de base, épisode 21, c’est terminé pour aujourd’hui. N’hésitez pas à vous rendre sur www.campdebase-podcast.com

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